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Agent immobilier - Accord sur la chose et sur le prix - impossibilité de rétractation

Agent immobilier - Accord sur la chose et sur le prix - impossibilité de rétractation

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES DU 14 NOVEMBRE 2022

Le 12 novembre 2021, le Demandeur a visité une maison mise en vente par un particulier via l'intermédiaire d'un agent immobilier.

Le 13 novembre 2021, le Demandeur a adressé à l’agent immobilier une première offre d'achat par courriel.

Le 16 novembre 2021, le Demandeur a formulé une seconde offre d'achat par courriel.

L’agent immobilier a accepté cette offre par sms puis par courriel en date du 18 novembre 2021.

Par courriel en date du 24 novembre 2021, l’agent immobilier a informé le Demandeur avoir eu une offre supérieure à la sienne avec un financement validé par un courtier partenaire. Il ajoutait que « les propriétaires ont choisi l'offre la plus sûre ».

Par courriel en date du 24 novembre 2021, le Demandeur répondait à l’agent immobilier qu'il y avait eu accord sur la chose et sur le prix, que la vente de la maison était parfaite et que les vendeurs ne pouvaient pas se rétracter en signant un compromis avec d'autres acquéreurs postérieurement à l'acceptation de son offre.

Par lettre en date du 26 novembre 2021, Me Guillaume NORMAND,  Conseil du Demandeur a mis en demeure l’agent immobilier de régulariser l'acte de compromis de vente, évoquant une rétractation fautive de la part de l’agent immobilier.

Sans suites, le Demandeur faisait assigner l’agent immobilier par devant le Tribunal judicaire de Versailles, représenté dans cette procédure par Me Guillaume NORMAND.

En défense, l’agent immobilier faisait valoir que :

Toutes les transactions se font de manière informelle sans entraîner de conséquences juridiques. Elle indique qu'un contrat n'a pas été constitué, et qu'il a été demandé des garanties et une offre de financement. Elle ajoute qu'elle ne pouvait valider une offre avec un plan de financement comprenant un taux d’endettement de 36 % et que les conditions suspensives devaient être validées. Elle fait valoir que la demande principale n'est pas fondée, qu'un taux d'endettement de 33 ¾ était nécessaire et qu'il n'y a pas eu de rupture brutale des négociations. Elle formule une demande reconventionnelle de dommages-intérêts.

L’agent immobilier plaide donc qu’une acceptation par SMS et courriel, dénuée de réserve expresses, ne constituerait en substance qu’un préalable pour poursuivre la négociation et non un accord définitif.

Le tribunal judicaire de Versailles ne l’entendra pas ainsi et motive ainsi sa décision.

Il rappelle préalablement les articles suivants qui régissent la rencontre des volontés, quel que soit le type de contrat :

L’article 1113 du code civil aux termes duquel le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.

L'article 1114 du code civil aux termes duquel l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.

L'article 1118 du code civil, selon lequel l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre.

Tant que l’acceptation n’est pas parvenue à l’offrant, elle-peut-être-librement-rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l'offrant avant l'acceptation.

Le tribunal rappelle qu’aux termes de l'article 1121 du code civil, le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant.

Puis que aux termes de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Le tribunal rappelle que :

« L'offre se définit classiquement comme une proposition de contracter suffisamment précise et ferme pour que son acceptation pure et simple suffise à former le contrat.

ll est constant que les éléments essentiels de la vente étant la chose et le prix, une offre d'achat doit identifier la chose offerte et indiquer le prix demandé.

La mention d'un délai n'est pas une condition nécessaire à la formalisation d'une offre.

L'extériorisation de l'acceptation, n'est soumise à aucune exigence formelle. L'acceptation, régie par le consensualisme, peut, tout comme l'offre, se manifester d'une manière quelconque.

L'acceptation pure et simple d'une offre d'achat comportant indication de la chose et du prix suffit à former le contrat.

La rétractation de l'acceptation de l'offre n'est efficace que sous la condition qu'elle "parvienne à l 'offrant avant l'acceptation ".

En revanche, une fois l'acceptation parvenue, toute rétractation devient impossible »

Puis, le tribunal applique ces principes à l’espèce :

« En l'espèce, [le Demandeur] a formé une proposition précise et ferme comportant les éléments essentiels du contrat projeté en mentionnant la chose et le prix, constituant ainsi une offre.

[L’agent immobilier] a accepté cette offre expressément par sms (« offre acceptée») puis par courriel en date du 18 novembre 2021 : « Suite à notre dernier entretien, je vous confirme l'accord des propriétaires à X € FAI concernant leur maison située X

L'acceptation de [L’agent immobilier] était non équivoque.

[le Demandeur] démontre que le vendeur a exprimé, par mandataire interposé, mais clairement et délibérément, l'acceptation de son offre. Il peut alors se prévaloir d'une vente parfaite.

[L’agent immobilier] n'était pas autorisée à revenir unilatéralement sur un contrat auquel les deux parties avaient antérieurement consenti.

Les développements concernant le taux d'endettement [du Demandeur] ne sauraient prospérer.

En effet, d'une part, le mandat de vente signé avec le vendeur énonce à deux reprises que le vendeur s'engage à signer la promesse de vente sans pouvoir opposer un refus au motif d'une condition suspensive de financement demandée par l'acquéreur.

D'autre part, une condition suspensive de financement ne peut être réalisée avant même la signature d’un compromis de vente, l’agent immobilier n’avait pas à apprécier les conditions financières du crédit immobilier alors que celui-ci avait été validé par un établissement de crédit (mail de la SOCRIF du 28 janvier 2022) et ne pouvait pas imposer un partenaire financier de son choix à acquéreur.

En outre, un taux d'endettement de 33 % ne pouvait être imposé à l'acquéreur alors que cette condition n'avait pas été érigée par le vendeur en élément essentiel à la formation du contrat et n'était pas évoquée lors de l'acceptation de l'offre, intervenue à deux reprises, par l’agent immobilier, qui n'a émis aucune réserve sur ce point.

[L’agent immobilier] a ainsi commis une faute et engagé sa responsabilité extracontractuelle »

Le tribunal judicaire de Versailles condamne l’agent immobilier, professionnel de l’immobilier, à indemniser le Demandeur de son préjudice (qui ne demandait pas la vente forcée), et fait donc une application stricte des textes : l’offre ayant été acceptée sans réserve la rencontre des volontés est définitive, aucune rétractation n’est possible.

L’agent immobilier qui entend donc bénéficier de son rôle « d’écran » entre vendeur et acquéreur doit donc faire preuve de prudence et conditionner l’acceptation de l’offre qui est formalisée auprès de lui, en indiquant que le prix pourrait être accepté sous réserve.

Ainsi conserverait-il la possibilité pour son client Vendeur de faire son choix entre les dossiers d’acquéreurs.

A l'inverse, l'aquéreur qui est fort d'une acceptation écrite et sans reserve de son offre, pourrait obtenir la vente forcée ou l'indémnisation de son préjudice.

Publié le 28/08/2023

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